Une insolente liberté. Il avait fait la tournée des galeristes lausannois, ses toiles sous le bras et des rêves pleins la tête, avec une audace folle,
et il avait persuadé Catherine Mermod d’organiser sa première exposition dans sa galerie, à la rue de la Mercerie. C’était il y a trente ans, en août 1992, et Jérôme Rudin venait d’avoir 18 ans. Il déboulait de nulle part, et surtout pas d’une école d’art, et ses oeuvres avaient un charme étrange et doucement ensorcelant, très personnel, à la fois léger et très profond. Un artiste était né et il avait tout le charme et la beauté du diable, grand, mince, chaleureux, insouciant; un jeune prodige venait d’entrer sur scène par effraction, sans avoir été annoncé, sans prévenir, comme Cocteau en son temps. L’écrivain français Roger Peyrefitte était tombé sous le charme comme François Sagan, comme tant d’autres, et l’avait baptisé aussitôt « le Mozart de la peinture ».
Jérôme Rudin a séduit le Tout-Paris, la jet-set, il a séduit Ivana Trump qui lui a acheté plusieurs tableaux, l’ancien homme le plus riche du monde Adnan Khashoggi, il a connu les grandes soirées du festival de Cannes, les lieux branchés, tous les délires de Miami ou d’Ibiza, mais il est demeuré au fil du temps et jusqu’à aujourd’hui, à 48 ans, ce qu’il n’a cessé d’être: un artiste absolu, un être libre et forcément tourmenté - et souvent accablé, désespéré, déchiré - qui s’efforce chaque matin de comprendre le monde, de le réinventer, de le saisir tout en le maintenant à distance, de l’accepter et de l’aimer envers et contre tout. Les formes, les couleurs, les émotions, les lumières, les interrogations taraudantes, les angoisses existentielles, bref tout le fracas et la douceur de la vie, tout le mystère de la condition humaine…
Vivre c’est créer et Jérôme Rudin n’en finit pas d’imaginer et de surprendre!